Achille Mbembe, d’origine camerounaise, vit entre l’Afrique du Sud, où il enseigne l’histoire et la science politique à l’Université du Witwatersrand de Johannesburg, et les États-Unis, puisqu’il est également professeur à Duke University. Il fait aussi quelques escales régulières à Paris, cette fois-ci à l’occasion de l’ouvrage qu’il vient de publier aux éditions La Découverte, Critique de la raison nègre.
Pour lui, la figure historique du Nègre est une clé de compréhension de la marchandisation des hommes à l’âge des politiques néolibérales et sécuritaires, parce que « le Nègre est (…) le seul de tous les humains dont la chair fut faite chose et l’esprit marchandise ». Mais c’est une figure duale qui devint aussi « le symbole d’un désir conscient de vie, une force jaillissante,flottante et plastique, pleinement engagée dans l’acte de création » et qui fournit, par là, le complément nécessaire d’une critique marxiste de l’exploitation, trop longtemps aveugle à la dimension raciale des classes sociales.
Achille Mbembe examine donc les conditions, ambitieuses, de possibilité d’un monde commun et
partagé. Pour lequel, il faudra d’abord « restituer à ceux et celles qui ont subi un processus d’abstraction et de chosification dans l’histoire la part d’humanité qui leur a été volée ». Mais aussi admettre que la « proclamation de la différence n’est qu’un moment d’un projet plus large », alors que « pour ceux qui ont subi la domination coloniale ou pour ceux dont la part d’humanité a été volée à un moment donné de l’histoire, le recouvrement de cette part d’humanité passe souvent par la proclamation de la différence ».
See online: Téléchargez l’interview