« Biographies de la radicalisation : des messages cachés du changement social », est le titre d’un ouvrage paru aux éditions Langaa de Bameda (Cameroun) sous la direction du Pr. Mirjam de Bruijn, professeur d’anthropologie et d’histoire contemporaine de l’Afrique à l’université de Leiden aux Pays-Bas. L’ouvrage, résultat du travail de plusieurs chercheurs revient sur la problématique de la radicalisation dans le Sahel et aux Pays-Bas. Entretien
Pr Mirjam de Bruijn : Ce livre est produit suite à la demande du Ministère des affaires étrangères des Pays-Bas qui, mise sur la sécurité dans le Sahel depuis ces cinq dernières années. La question de la radicalisation est au cœur des politiques actuelles, que ce soit en Afrique ou en Europe elle inquiète. Ce livre vise également à changer les discours autour de cette question qui passionne tant de monde. Les chercheurs sont allés sur des bases de recherches de terrain à la rencontre de plusieurs entités et personnages afin de collecter des informations. A la fin de nos recherches, un festival a eu lieu à Dakar autours de la problématique de la radicalisation.
La radicalisation est, à première vue perçue comme violente, est-ce vraiment ça ?
La radicalisation est liée à des forces négatives, à la violence, à la guerre… Mais elle est aussi une force dans la société, elle apporte des changements positifs. Dans ce livre, nous accordons une attention particulière aux histoires des personnes rencontrées, leurs réflexions, leurs émotions, leurs frustrations dans leurs sociétés. Et donc, être radical n’est pas forcement être violent. Non ! On peut aussi se radicaliser contre un système politique, comme le font par exemple les mouvements citoyens en ce moment partout en Afrique, même ici au Tchad. Souvent, dans les discours général utilisés dans le cercle médiatiques et politiques, les formes de radicalisations se mélangent et les nuances se perdent, c’est pourquoi nous nous trouvons confrontés dans l’unique forme « violente ». Il est cependant vrai que les actes violents et terroristes et leurs conséquences ne doivent pas être niés, mais il est probable que même ces actes soient un appel à l’attention, au fond, une recherche d’un changement social et politique.
L’Afrique Subsaharienne a connu une montée des actes terroristes et une radicalisation de la jeunesse. Pourquoi les jeunes sont de plus en plus tentés par la radicalisation?
Les causes sont profondes, mais ce qu’il faut savoir c’est que la radicalisation est liée au désir de changement social. Si les jeunes se radicalisent pour des changements sociaux, il faut les écouter. Voilà pourquoi il faut un changement de discours. Parce que quelque part il faut comprendre qu’envoyer par exemple les militaires au Mali ne peut qu’engendrer des guerres, faires des victimes civiles. La violence ne peut être régler par la violence. Il faut discuter avec ces jeunes « radicaux » afin de comprendre leurs problèmes qui sont généralement très profonds.
Des chercheurs tchadiens ont contribué à ce livre, quel a été leur contribution ?
Je connais le Tchad depuis bientôt 20 ans, d’abord pour y avoir vécu et fait des recherches. Ensuite pour avoir fait des vas-et-viens ces derniers temps. J’ai aussi une collaboration fructueuse avec le centre de recherches en science social humanitaire (Crash) du Tchad. Ceci a rendu possible cette collaboration avec les chercheurs tchadiens qui, au cours de leur recherche ont découvert le phénomène de la radicalisation. DjimetSeli, RemadjiHonathy et Bakary Sali ont déjà travaillé sur la radicalisation grâce à une étude du Pnud. Il y’a aussi Souleymane Abdoulaye Adoum qui a fait une réflexion sur sa propre vie à Mongo, des moments sombres qui ont perturbé son enfance… Il faut aussi noter que le livre a commencé par une réflexion d’un artiste tchadien, Didier Lalaye alias Croquemort avec l’un de ses textes chantés sur la radicalisation, puis une interview qui renvoient sur les racines du phénomène de la radicalisation.
Comment peut-on se procurer le livre ?
Pour le monde le livre est en vente sur le site Amazone, mais bientôt nous espérons le vendre à la librairie la source. La présentation officielle sera faite en novembre prochain lors de la Coupe d’Afrique de Slam et Poésie qui se tiendra à N’Djamena.
Propos recueilli par Emmanuel Deuhb